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lundi 14 novembre 2005

Après 3 morts et plusieurs blessés, l’incendie social n’est toujours pas noyé par l’encre des médias. Les explications des émeutes et sur les insurgés abondent. Ethnologiques, historiques, sécuritaires, sociales, économiques. Ainsi c’est une révolte anarchiste, pas islamiste ; c’est un jeu entre cow boys et indiens ; de voyous et de la racaille, des mineurs abandonnés à leur sort par des parents laxistes ; etc etc. Quel que soit le bord d’où vient l’exégèse à ces émeutes, tous coïncident dans le mépris des révoltés : incendier des biens n’est pas une revendication mais l’oeuvre des voyous casseurs, et les voyous n’ont pas le droit à l’histoire et à la dignité.

Pourtant jamais depuis les décolonisations, l’offensive officielle contre la dignité et l’histoire d’une partie de la population française, et donc de la France même, n’a été si forte.

D’abord contre la mémoire..... de centaines de personnes assassinées en France par la France. Ce n’est pas seulement le massacre du 19 octobre 1962, dont aucune commémoration n’a été entreprise par l’état.... moins de deux semaines avant les "violences urbaines", mais aussi de tous ceux qui sont tombés régulièrement sous les balles des fonctionnaires de corps de sécurité de l’état français depuis les 30 dernières années. Il s’avère que l’immense majorité de ces personnes étaient issues des immigrations d’Afrique où de leurs descendants, français mais pas trop ou pas encore. Ces « arabes, noirs, beurs, blacks, jeunes, musulmans, banlieusards, voyous », y compris des femmes étaient, sont et seront toujours frappés au fer rouge dans leur chair du sceau de l’immigritude au 2è, 3è, 4è.....degré. Il se trouve que l’immense majorité de responsables et des auteurs de ces meurtres, officiers de l’état français, n’ont jamais été "molestés" par la justice de l’état français. Ces peines de mort, exécutées sans procès légal, ont été toujours justifiées, et donc occultées par la plus exécrable des injustices, parce qu’ils étaient soit disant des voyous pas trop français, pas encore français.

Comme dans un funeste clin d’oeil le ministre de la justice parlait récemment en évoquant les émeutiers, de français d’une part et de voyous de l’autre.

Y a t-il vraiment eu une abolition de la peine de mort en France ?

La mémoire toujours avec la surprenante loi du 23 février 2005, plus surprenante que les émeutes. Hasard du calendrier le 23 février 1982 la naissante démocratie espagnole subissait un vulgaire coup d’état policier et fasciste. Mais en France le 23 février 2005, plutôt que de condamner les crimes du passé, l’état préférait légaliser, au XXI siècle, ce crime contre l’humanité qui est la colonisation. Une insulte à la mémoire des descendants de colonisés, une insulte à ceux qui, comme Henri Alleg, toujours ignoré par les pouvoirs publics, ont combattu, chair et ongles le fascisme militaire et colonial français. Aujourd’hui en France, pendant que Henri Alleg, avec son immense humanité, rend l’honneur de la France, la justice de la France souille encore la mémoire....et l’honneur de la France : C’est ainsi que le général Schmitt, intouchable par la loi d’amnistie, était relaxé, début novembre, du procès que Mme Louisette Ighilahriz, sa victime algérienne, lui avait intenté pour diffamation. Le tortionnaire, démasqué par le courage d’une femme qui avait oser le nommer, l’accusait d’affabulatrice et mensongère. C’est ainsi que la justice française méprise les victimes de la torture, nie l’histoire de la colonisation française et son lot de victimes. Cet été encore, des stèles étaient édifiées à la gloire de ces incendiaires criminels qui étaient l’OAS. La vraie racaille et les véritables voyous de l’histoire de France sont ainsi honorés......en pleine révolte des insurgés de la mémoire.

Mémoire colonialiste des autorités françaises et sourdes, qui dépêchent au Vatican le ministre de la Justice officiellement pour représenter la France lors de la béatification de Charles de Foucauld, militaire des armées coloniales devenu moine, traducteur de la bible en touareg. Ce sont les mêmes autorités qui ne cherchent pas à réhabiliter officiellement la mémoire et la dignité de Mehdi Ben Barka, combattant de la liberté de peuples, ni même à s’excuser pour leur rôle officiel et criminel dans sa disparition.

Après la mémoire le pouvoir s’attaque au droit de l’homme fondamental qui est la dignité. Depuis 3 ans un gouvernement réactionnaire, issu des élections tronquées s’attaque séquentiellement aux minorités les plus faibles au bénéfice de minorités les plus riches. C’est ainsi que les sans papiers, les prostituées, les sdf, les r-mistes et les chômeurs ont été volés tour à tour de leurs droits et de la protection qui leur est due au nom de l’humanité. Pour cela il se sert d’un petit pignouf à l’ambition sans limites, dont ses seuls repères sont les sondages, dont sa seule politique est celle que lui dictent les résultats de sondages. Et peu importe ce qui est dit, tant que cela lui fera remonter sa fausse côte de populisme. Mais les mots précèdent toujours les actes, et « nettoyer au karcher des voyous », qui ne se trouvent que dans les banlieues est un funeste présage, une attaque directe à la dignité de l’homme. Comme dans un hommage à l’autre grand pignouf de la politique française il vient de déclarer : "Il y a plus de problème pour un enfant d’un immigré d’Afrique noire ou d’Afrique du Nord que pour un fils de Suédois, de Danois ou de Hongrois. Parce que la culture, parce que la polygamie, parce que les origines sociales font qu’il a plus de difficultés". Quelle odieuse comparaison raciale entre les toujours enfants d’immigrés d’Afrique qui naissent avec des problèmes dans leur sang et les fils au sang pur (qui, eux, mériteraient d’être français ?) des européens.

Une seule demande émanait des ces insurgés de la mémoire..... que le pompier pyromane s’en aille. Un ministre de l’intérieur qui échoue sa mission de premier flic de France, qui ne peut plus assurer la sécurité de tous les Français, doit s’en aller. A cette demande prônée à l’unisson par tous les émeutiers il a répondu par le feu qui couvre la mémoire, avec la même loi qui réprima le cri de liberté des algériens en 1955.

Ce gouvernement casseur et voyou non représentatif de ses citoyens, qui déshonore la mémoire de l’humanité, a essayé aussi de « nettoyer au karcher », une autre partie impure de la population, qu’il croyait faible parce que ghettoïsé, minoritaire, pauvre et génétiquement malade d’immigritude.

C’était sans compter que la dignité est un bien commun de l’humanité. Et que ces insurgés de la mémoire, dotés de dignité comme tout être humain, allaient répondre avec la même furie destructrice, au viol officiel de la mémoire et de l’imaginaire.

Guillermo SINTES DIAZ

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