Pa l'arbre
Accueil du site > Économie > Comment l’Amérique ruine le coton africain ?

vendredi 16 décembre 2005

(L’Humanite 16/12/2005)

Bien que condamnés par l’OMC, les États-Unis bénéficient d’une batterie d’aides sophistiquées pour leur production cotonnière que l’administration Bush refuse de remettre en cause.

Le coton est une fibre produite sur un arbuste et son prix sur les marchés internationaux fluctue beaucoup sur fond de baisse tendancielle des cours de l’ordre de 0,24 % par an depuis quatre décennies. Cette baisse est deux fois plus importante que celle de la moyenne des matières premières agricoles. Le marché mondial a absorbé 24,9 millions de tonnes de coton en 2004-2005, confirmant le développement du marché de 2,2 % par an depuis trente ans. Les principaux pays consommateurs de textiles sont devenus des importateurs nets. C’est vrai de la Chine, de l’Inde et du Pakistan, qui, avec les États-Unis, produisent 70 % du textile utilisé dans le monde. La production africaine de coton représente 13 % du marché mondial à l’export.

Les États-Unis bénéficient d’une batterie d’aides que l’administration Bush refuse de remettre en cause, y compris à Hong Kong. Selon l’ONG Oxfam, les producteurs américains ont reçu 4,2 milliards de dollars d’aides diverses l’an dernier. En France, la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (FARM) a étudié dans le détail le système d’aides aux cotonniers américains. Ils bénéficient d’abord de « paiements directs » découplés depuis 2002. Ils sont notamment conditionnés au fait de ne pas produire de fruits et légumes sur les exploitations cotonnières américaines, probablement en raison de l’utilisation massive des pesticides. Les producteurs américains bénéficient ensuite de versements en fonction des superficies en production quand le prix de marché du coton passe en dessous d’un certain seuil. Si les cours du marché sont momentanément défavorables, il peut être attribué aux cotonniers américains des « versements au titre de prêts à la commercialisation ». Ces financements à court terme permettent d’attendre une remontée des cours. S’ajoutent d’autres versements destinés à favoriser l’utilisation du coton américain dans l’industrie sur le marché intérieur, mais aussi à l’exportation. Ces trois formes d’aides sont incompatibles avec les règles de l’OMC. Mais les États-Unis continuent de les autoriser en dépit d’une condamnation sur plainte du Brésil.

L’aide au coton américain ne s’arrête pas là. On trouve encore les « versements au titre de l’assurance crédit » pour amortir les conséquences des fluctuations du marché à la baisse sans dépasser 5 % de la valeur totale du coton, les « mesures de garanties du crédit à l’exportation » et les « subventions au titre de la loi sur les revenus extraterritoriaux » qui sont des réductions d’impôts sur le chiffre d’affaires des exportations réalisées. Selon les calculs de FARM, le cumul des aides octroyées aux producteurs de coton atteint 500 dollars par tonne produite, soit 37 % de la valeur marchande de la production.

En face, les pays de l’ouest et du centre de l’Afrique produisent un coton de meilleure qualité sur des petites exploitations de 3 hectares en moyenne, généralement non irriguées. Mali, Burkina, Côte d’Ivoire, Togo, Bénin, Cameroun, Tchad : dans ces pays, le coton fait vivre 10 millions de paysans et la main-d’oeuvre entre pour 60 % dans le prix de revient de la récolte en raison de la faible mécanisation. Néanmoins, les producteurs africains sont compétitifs à condition de bénéficier de prix stables. Ce sont les fluctuations des cours à la baisse et les retards de paiement qui ruinent la filière coton des pays d’Afrique. Et les firmes américaines manipulent les marchés en faisant jouer leur panoplie d’aides diversifiées pour couler la filière africaine avec la mansuétude de l’OMC.

Gérard Le Puill

 RSS 2.0Suivre la vie du site