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vendredi 20 janvier 2006

C’est autour d’un déjeuner offert dans une ambiance décontratée, où la cravatte avait été banie, que le président du Brésil a reçu à Brasilia ses homologues argentin et vénézuelien. En mars 2005, à l’occasion de la prise de fonctions de Tabaré Vasquez en Uruguay, Luiz Inacio Lula da Silva, Nestor Kirchner et Hugo Chavez avaient établi un « dialogue tripartite » et jeté les bases d’un axe Nord-Sud Caracas-Brasilia-Buenos Aires.

RFI - De notre correspondante au Brésil

Au-delà de certaines affinités politiques, et du désir de consolider les relations entre partenaires sud-américains, les trois chefs d’Etats estiment que leurs nations ont quelque chose à partager sur le plan énergétique. Premier producteur de pétrole de la région, membre de l’Opep, le Venezuela s’est allié au Brésil et à l’Argentine, de plus petits producteurs, pour créer la Petrosur, afin de favoriser les échanges et investissements dans ce domaine. Avec par exemple la livraison de brut vénézuelien aux Argentins à un tarif intéressant, ou la construction d’une raffinerie avec des capitaux brésiliens et vénézueliens près de Recife, dans la région défavorisée du nord-est du Brésil.

Et maintenant, il y a le gaz. Brasilia et Buenos Aires, déjà alimentés par la Bolivie, désirent acheter du combustible vénézuelien, et un supergazoduc de 7 000 km devrait être construit pour relier les gisements caribéens de Puerto Ordaz à la lointaine Patagonie, en traversant le vaste territoire brésilien. Les premières études évaluent le coût de l’opération à 20 milliards de dollars pour transporter, d’ici six ans, 150 millions de m3 de gaz par jour. Les présidents espèrent attirer d’autres pays vers cette connexion gazière sud-américaine.

Solidarité et indépendance régionale

Le groupe des « Trois du Sud », selon l’expression d’Hugo Chavez, le seul à s’exprimer à l’issue du sommet, a aussi évoqué d’autres projets comme la création d’une Banque du Sud, sorte de Banque centrale régionale, ou d’un Conseil de Défense. D’autant que depuis décembre dernier, le Venezuela est entré dans le Mercosur. En forçant la porte de ce marché régional créé en 1991 à Asuncion, au Paraguay, le président Chavez change la donne au sein d’un groupe en difficulté. Aux côtés des deux petits membres, Uruguay et Paraguay, qui se sont toujours sentis coincés entre deux géants, le Brésil et l’Argentine ont des différents commerciaux. Buenos Aires enregistre un sérieux déficit de sa balance commerciale avec Brasilia, le Brésil ayant même doublé l’an passé ses exportations vers le Rio de la Plata.

Suite à la dévaluation du real brésilien (1999), avant le peso (2002), et compte tenu de leur faible compétitivité industrielle, les Argentins imposent des « restrictions » à l’importation de certains produits comme les chaussures en cuir, et voudraient disposer en permanence de mécanismes de protection automatiques de leurs fabricants. Conscients du problème, les Brésiliens ont accepté de négocier, mais cela dure depuis des mois. Les discussions devraient avancer après la première visite d’Etat que vient d’effecteur le péroniste Nestor Kirchner à Brasilia. Un accord est attendu pour le 31 janvier.

Dynamique régionale et front politique

A son arrivée à la rencontre tripartite, le président Chavez a défendu le respect des « assymétries » entre les membres, et déclaré son espoir de voir entrer la Bolivie dans le Mercosur, auquel elle est associée depuis plusieurs années, comme le Chili. En créant divers liens, comme un Mercosur élargi à six membres, ou la Communauté sud-américaine des Nations, les pays du sous-continent tentent de créer non seulement une dynamique régionale mais d’élaborer un front politique commun lorsqu’il s’agit de négocier avec d’autres interlocuteurs comme les Etats-Unis, l’Union européenne ou au sein de l’Organisation mondiale du commerce.

Cette semaine sera riche en opportunités pour renforcer ce dialogue : les présidents brésilien et péruvien inaugureront un pont reliant leurs pays aux frontières de l’Amazonie. Puis, onze chefs d’Etats se retrouveront à La Paz, pour assister à la prise de fonctions de l’Indien planteur de coca élu récemment à la présidence de la Bolivie, Evo Morales.

par Annie Gasnier

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