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Accueil du site > Europe > « Radiateur » refroidi après sa provocation contre l’ANPE

mardi 31 janvier 2006

Furieux contre les radiations de chômeurs, il avait plaisanté sur l’Internet sur une série d’incendies contre l’Agence, dont il est salarié. Il est mis en examen.

par Nicolas DE LA CASINIERE

Même sur un modeste forum Internet, il est dangereux de s’enflammer devant son écran. Perquisition à domicile, quarante-huit heures de garde à vue et mise en examen pour incitation à jouer les pyromanes. Voilà ce qu’a vécu ce week-end un salarié de l’ANPE de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), syndicaliste CGT. Dans un message diffusé sur le site actuchomage.org, qui évoquait les récents incendies qui ont ciblé six agences ANPE en France, Christophe X., 36 ans, avait indiqué aux « énervés qui crament les ANPE » l’adresse de sa propre agence (lire ci-contre).

A l’autre bout de la France, un internaute féru d’ordre l’a dénoncé à la gendarmerie du Haut-Rhin. Citée dans le message, l’agence ANPE nazairienne a identifié l’auteur du message, mais n’a pas déposé plainte. Seul le parquet a lancé les poursuites dans le contexte enfiévré de la demi-douzaine d’agences ANPE incendiées ces dernières semaines. Le SRPJ de Caen, qui enquête sur l’incendie de l’ANPE de la même ville, a même pensé que c’était ce salarié syndicaliste qui avait mis le feu à Caen. Des policiers sont venus l’interroger dimanche lors de sa garde à vue. Pour découvrir que ce n’était pas lui l’incendiaire. Reste les mots...

200 inscrits. La justice a voulu refroidir « Radiateur », tel qu’il s’est nommé. Ecoeuré de voir sa mission désormais centrée sur les efforts de radiation des chômeurs sans rien à leur proposer, ce conseiller ANPE s’est choisi ce pseudo pour ses contributions sur le site actuchomage.org, dont le forum n’est guère fréquenté que par 200 inscrits, selon les animateurs du site. Radiateur n’a pas vraiment cherché à se cacher, signant de son vrai prénom ­ mais pas de son nom ­ et s’enregistrant avec son adresse mail professionnelle, terminaison en anpe.fr à la clé.

Posté vendredi, son message est certes un peu rageur, sans précautions oratoires, mais très banal selon les habitués des forums et conforme à ce type de discussions en ligne où chacun y va de ses propos véhéments. Comme au comptoir d’un bistrot où personne ne prendrait les reparties un peu tranchées pour des pousse-au-crime au premier degré.

Le parquet de Saint-Nazaire a, au contraire, opté pour les grands moyens. Là où une simple citation directe aurait suffi, la justice a choisi d’ouvrir une information judiciaire contre Radiateur, interpellé à son domicile samedi matin et placé en garde à vue durant le week-end. Présenté à un juge d’instruction hier matin, il a été relâché, placé sous contrôle judiciaire et mis en examen pour « provocation publique à la commission d’un délit de destruction volontaire de bien public », passible d’une peine allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.

Syndicaliste. « La garde à vue lui a fait prendre conscience de ce qui était peut-être une bêtise, note le vice-procureur de Saint-Nazaire, Jacques Noguellou. Mais on s’interroge sur la santé mentale de cette personne qui est conseiller ANPE depuis quinze ans et a des responsabilités syndicales. Il reste des investigations à faire à ce sujet. » L’ANPE se garde de toute communication. La CGT nazairienne reste sur la réserve, tenant juste à faire savoir que la CGT n’est pas derrière ce message.

« Le dossier a été anormalement grossi par la justice, dit Me André Tinière, l’avocat de la CGT chargé de la défense de Radiateur. C’est un cri d’impuissance, de désarroi, de quelqu’un qui n’a jamais voulu inciter à quoi que soit, même s’il y a maladresse de texte. » « Nous dénonçons de longue date les conséquences prévisibles de la montée des radiations, de la contrainte et de la normalisation sociale qui sont à l’oeuvre dans ces politiques publiques, plaide de son côté Margot Undriener, permanente nationale de la CGT-ANPE. On est dans un Etat sécuritaire qui stigmatise un mouvement d’humeur, en niant par ailleurs toute la violence sociale exercée au quotidien. »

Arrêt maladie. Sur actuchomage.org, un contributeur anonyme a réagi hier à la mise en examen de Christophe X. : « Je croyais qu’une démocratie signifiait que la parole de chacun était respectée », s’indigne celui qui signe « cybcoco ». Et qui tempère aussitôt : « Internet n’est pas une sphère privée. On ne peut pas tout dire et n’importe comment. Il faut le savoir. On pense presque s’adresser à des "amis", "connaissances", "relations proches". Ce n’est plus vrai. Poster un message sur un forum est différent d’envoyer un e-mail à des amis, des proches ou de la famille. »

Depuis sa sortie du palais de justice, hier matin, Radiateur se cache. En arrêt maladie, il n’est pas retourné travailler.


« Un conseiller énervé, agité, syndiqué... »

Voici l’intégralité du texte retiré dimanche du site actuchomage.org par ses animateurs, et qui vaut des poursuites judiciaires à son auteur. Il n’aurait été lu que par 25 personnes, selon les comptes des animateurs du forum. Nous avons respecté l’orthographe et la ponctuation.

« le feu a l’anpe

j’informe les énervés qui crament les ANPE qu’il en reste encore : donc suivé le guide ANPE de saint-nazaire : 18 bld paul perrin.. Qui sème la misère récolte la colère. Les mots ne sont jamais trop forts quand il s’agit de qualifier le traitement actuel des chomeurs : Dans la réalité d’une ANPE, vous assistez au reprise de fin de stock, les gl2, gl3 (radiations), convocations. C’est comme une usine capitaliste normale avec des n° de produits correspondant a des humains. J’ai lu ici et là l’évocation du STO. et je confirme qu’il y a de cruelles ressemblances..... Un conseiller dégouté, énervé, agité, syndiqué mais souvent impuissant face a la gangrène néolibéral qui ronge notre monde.
Christophe ».

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