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dimanche 25 février 2007

La Zapi 3 est un centre de rétention à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle qui accueille des milliers d’étrangers interpellés à leur descente d’avion. Ces "individus non admis" sont volontairement peu ou pas soignés avant d’être expulsés. Le dr Taugourdeau fut médecin de la Zapi 3. Il fut renvoyé pour avoir voulu exercer ses fonctions dans le respect du serment d’Hippocrate.

Philippe Taugourdeau, Flammarion
Date de parution : 19.01.2007
Prix : 20,00 €
Format : 16 x 24 cm / 348 pp.

Que se passe-t-il vraiment à la ZAPI 3, la prison-hôtel de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle où transitent chaque année des milliers d’étrangers interpellés à leur descente d’avion, pour la plupart munis de faux papiers ? Comment s’occupe-t-on de la santé de ces non-admis, comme on les appelle ?
Plutôt mal, si l’on en croit le témoignage du Dr Philippe Taugourdeau qui a travaillé dans l’unité médicale instaurée en 2003 par le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkoazy. Les consignes de la hiérarchie médicale sont claires : "On ne doit adresser à l’hôpital que les urgences, et sur place, ne traiter que les bobos avec les moyens du bord !" Pour les autres maladies, un banal comprimé doit suffire, et toute demande d’examen et de consultation spécialisée est mal vue ou impossible.
Pourquoi ? Parce que, coûte que coûte les actions médicales ne doivent pas retarder les expulsions. Mais au moindre doute, la police exige d’être couverte par un certificat affirmant que les non-admis sont en état de reprendre l’avion, même avec une otite aigüe ! "S’ils ont pu arriver jusqu’ici, ils peuvent bien repartir !"
Déplorant cet état d’esprit, des irrégularités et des techniques d’escorte inacceptables, le Dr Taugourdeau a rué dans les brancards. Mal lui en a pris de vouloir exercer ses fonctions dans le respect de son serment d’Hippocrate et du code de déontologie. "Tu emmerdes la police !" fut la raison finalement avancée pour l’expulser de son poste.
Mais pourquoi ? Qu’avait-il osé mettre à jour ?
Le Docteur Philippe Taugourdeau a 55 ans, il est auteur et coauteur de plusieurs ouvrages médicaux spécialisés et destinés au grand public.


Clandestins : Un médecin dans l’antichambre de Roissy Le 29/01/2007 à 0 h 00 - par Skander Houidi

« Défense de soigner pendant les expulsions », le livre du Dr Philippe Taugourdeau est le cri salutaire d’un médecin, en poste dans la « prison-hôtel » de l’aéroport de Roissy, qui dénonce les conditions de prise en charge médicale des clandestins.

ZAPI 3 ou « Zone d’accueil des personnes en instance n°3 », c’est l’euphémisme qui désigne dans le jargon juridique le lieu de rétention, la « prison-hôtel », de l’aéroport de Roissy où transitent chaque année des milliers d’étrangers en situation irrégulière, appelés pudiquement INAD (Individus non admis).

Inaugurée en 2001, la ZAPI 3 accueille 95% de ces « prisonniers cosmopolites » (15 000 personnes en 2005) interpellés à leur entrée sur le territoire. En 2002, suite à plusieurs témoignages démontrant le déficit des soins médicaux prodigués aux clandestins, Nicolas Sarkozy décide d’y installer une infirmerie, « pompeusement appelée unité médicale » ; un an plus tard, c’est au tour de la Croix rouge d’établir sa permanence. Pendant le premier semestre 2005, Philippe Taugourdeau fait partie des trois ou quatre médecins affectés dans ce no man’s land. Il nous dévoile « quelques pots aux roses » :

Le manque criant de matériel tout d’abord : lors d’une consultation gynécologique, les étriers de la table d’examen sont rouillés, les speculums sont absents, les traitements indiqués manquent. Il faut deux ou trois jours avant que la demande de médicaments, faxée à l’hôpital pourtant distant de 15 km, soit honorée. En attendant, le paracétamol détient la palme de la prescription quotidienne, que ce soit pour un kyste au sein ou une inflammation du tympan. Une situation que résume cyniquement le Dr Taugourdeau : « L’unité comporte un peu de matériel médical, plutôt moins que dans un dispensaire de brousse ».

La mauvaise volonté du personnel soignant ensuite : les prises de sang ne sont pas effectuées, car sinon il faudrait se rendre à l’hôpital - toujours le même, à 15 km - pour les faire analyser ; ainsi que les jeux de pouvoir entre médecins et infirmières, ces dernières « fliquant » les premiers.

Puis, l’auteur s’intéresse au rôle de la police aux frontières (PAF). Ses consignes pour éviter les bavures sont très précises. Sauf que le docteur s’interroge sur les marques décelées sur le corps et les témoignages de certains INAD de retour au centre après qu’un commandant de bord a refusé de les embarquer pour les expulser. Il évoque ensuite les liens entre la PAF et le personnel soignant. « Les actions des médecins ne doivent pas tendre à modifier les procédures administratives » : selon Philippe Taugourdeau, cette phrase sortie de la convention de la DDASS 93 pour définir les relations entre l’Etat et l’hôpital, ouvre la voie aux pressions et aux certificats de complaisance afin de « respecter les plannings de vol ». D’ailleurs, en ce qui concerne les INAD, « s’ils sont arrivés jusqu’ici, ils peuvent bien reprendre l’avion dans le même état », se voit répondre un jour le docteur par un membre de la PAF...

A force de souligner les dysfonctionnements qu’il observe chaque jour, le Dr Taugourdeau devient la bête noire de sa hiérarchie et de la PAF. Son contrat non renouvelé, il sera « expulsé à (son) tour », comme il le dit.

Face à une situation aux contours absurdes et scandaleux, ce docteur-courage met les pouvoirs publics devant leurs responsabilités : « Mon seul but - en tant que médecin, citoyen, électeur, et aussi contribuable - est de mettre à jour un système qui aboutit à une gabegie financière, à un déshonneur de la médecine, et à un gâchis humain ».

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