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La république Dominicaine de Céline Anaya Gautier

samedi 26 mai 2007

Chaque année, en novembre, c’est le même scénario. Des rabatteurs parcourent les villages haïtiens et font miroiter les avantages d’une saison de travail bien rémunérée dans l’autre partie de leur île, en République dominicaine. Et ils sont un peu plus de 20 000, chaque année, à tomber dans le piège. Pris en charge par des passeurs - qui leur prennent leurs papiers -, ils franchissent la frontière avec la complicité de la police haïtienne et sous le contrôle discret des fonctionnaires dominicains. Ils sont alors convoyés en autocar vers les immenses domaines sucriers où ils vont effectuer la zafra (la récolte). C’est là qu’ils découvrent le sort qui leur est réservé.

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Dans une plantation proche de la frontière haïtienne Photo : Céline Anaya Gautier

Leur travail : couper la canne à la machette, puis la ramasser, pendant quinze heures par jour. Leur salaire : de 45 à 80 pesos (soit moins de 1,60 euro en moyenne) par tonne. Or les travailleurs les plus robustes et les plus expérimentés ne parviennent à en couper qu’une tonne et demie par jour. Pis, ils ne touchent leur argent que tous les quinze jours, sous forme de bons de ravitaillement à utiliser dans la boutique du domaine. Autant dire que les coupeurs de canne sont très vite obligés de s’endetter pour subsister. Quant aux conditions d’hébergement, elles sont tout aussi scandaleuses. Hommes, femmes et enfants vivent pour la plupart à même le sol, sans matelas ni sommier. Pas de cuisines ni même de toilettes dignes de ce nom dans ces baraquements surpeuplés. Et puis il y a les menaces quotidiennes de violence. Ceux qui tentent de fuir ces ghettos pour rentrer chez eux, en Haïti - ce qui est quasiment impossible sans papiers d’identité -, sont vite rattrapés par les gardiens, qui n’hésitent jamais à frapper avec leur machette. Résultat : une bonne partie des hommes sont condamnés à finir leurs jours dans cet enfer. Certains y sont depuis plus de quarante ans.

Céline Anaya Gautier a pu s’introduire dans quelques-uns de ces sinistres camps de travail grâce à deux prêtres, les pères Christopher Hartley et Pierre Ruquoy, qui travaillent quotidiennement sur le terrain pour aider et défendre ces sans-papiers réduits en esclavage.

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