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samedi 21 mars 2009

C’est une démarche qui, non seulement a le don d’irriter, que dis je, de scandaliser, le plus grand nombre de salariés, mais qui a tendance à devenir une pratique courante.

Pourtant, il n’y a rien que de très normal, dans le cadre du système marchand fondé sur le rapport social salarial et la valorisation du capital.

La méconnaissance abyssale de ce qu’est réellement le système marchand dont sont responsables l’enseignement de l’économie et l’information alliée à une certaine paresse politique fondée sur la croyance en ce que racontent les politiciens,... aboutit à un malentendu tragique qui fait prendre, à la majorité, le rêve pour la réalité... jusqu’au réveil !

LES FONDAMENTAUX DU SYSTEME

Il nous faut, brièvement y revenir, une fois encore.

1- l’objectif de toute entreprise est, dans le rapport marchand, de faire du profit ;
2- l’actionnaire est le seul propriétaire de celle-ci, elle lui appartient et a tous les droits en matière de gestion ;
3- le salarié n’est qu’un moyen de produire de la valeur,... d’où le profit ;
4- son seul droit est contrat de travail de voir sa capacité de travail être rémunérée à sa valeur : le salaire.

Ces quatre piliers constituent les fondements du système dans lequel nous vivons. Tout tourne autour d’eux, tout ramène à eux, tout se résume à eux.

Les luttes, depuis 150 ans des salariés, ont certes infléchi les conditions de fonctionnement du système, mais en aucun cas n’en ont changé les principes.

Or, ces infléchissements sont devenus une illusion de changement du système qui, en période de crise, reprend tous ses droits.

La relative stabilité, dans les pays industriels développés, jusqu’aux années 80 a fait croire, à tort, aux salariés, que les acquis en matière d’emploi, de salaires, de conditions de travail, de conventions collectives, de durée du travail, de pouvoir d’achat, de protection sociale, de services publics, de retraites,... étaient définitifs. La mondialisation marchande a remis tout cela en question et est entrain de laminer cent cinquante ans de conquêtes sociales.

L’ENVERS D’UNE ILLUSION

Ce n’est, ni par philanthropie, ni parce que les salariés auraient/avaient acquis un quelconque pouvoir dans l’entreprise, que les acquis sociaux ont été accordés. C’est essentiellement pour deux raisons :

- s’acheter la paix sociale ;

- parce qu’à l’époque où ils ont été accordés, le capitalisme occidental pouvait se la payer. Il détenait la technologie, les marchés, la force de travail compétente nécessaire, les capitaux.... Son économie dominait le monde.

La mondialisation marchande a « redistribué les cartes » des ressources, des marchés, de l’emploi,... Aujourd’hui, les masques tombent, et l’on revient à une situation qui fait que le Capital ne peut plus se payer la paix sociale en garantissant les emplois et les acquis sociaux naguères accordés.

L’illusion entretenue par la « Gauche »/les « Gauches » et les syndicats est entrain de se déchirer et l’on assiste à ce qu’est véritablement ce système,... chose que l’on avait oublié. C’est désormais l’envers de l’illusion que nous sommes entrain de vivre. Le problème c’est que les « outils » de lutte sociales naguères efficaces pour obtenir des miettes, ne suffisent plus dans une telle situation.

Dans une situation de mondialisation, désormais le Capital a une plus large palette de possibilités pour se valoriser, et une opposition salariale de plus en plus affaiblie... et il en profite (si j’ose dire !) et va en profiter au maximum.

CHANGEMENT DE PROGRAMME

Tant que le système a pu concilier plus ou moins pacifiquement l’impératif de valorisation du capital et les revendications salariales, il l’a fait et a eu en retour une relative « paix sociale ».

Aujourd’hui cet « équilibre » est rompu.

En effet, actuellement, quand des « fonds de pension », actionnaires exigent non plus 5% de valeur actionnariale, mais 20, voire 25%,... il faut bien « surentabiliser » l’entreprise... et les économies vont se faire où d’après vous ?

Lorsqu’une entreprise peut produire, la même marchandise, avec une masse salariale divisée par 5, par 10 voire plus, croyez vous qu’elle va se priver de cette opportunité,... qui va lui permettre de gagner des parts de marché ?

Ce que l’entreprise ne pouvait se permettre il y a un demi siècle, elle peut aujourd’hui se le permettre.

Autrefois l’entreprise faisait du profit et avait besoin de force de travail locale.

Aujourd’hui l’entreprise fait du profit, peut en faire encore plus en se passant de plus en plus de force de travail (accroissement de la productivité du travail), ou en trouvant une main d’œuvre moins chère. Le choix est vite fait.

L’important n’est pas seulement de faire du profit, mais d’en faire toujours plus.... Ce qui explique que l’on puisse licencier, voire liquider l’entreprise, alors que l’on fait du profit.

« Ils n’ont pas le droit de faire ça ! » s’exclament les salariés effondrés devant les grilles d’entreprise en voie de délocalisation.

Mais si « ils ont le droit ». Ils sont propriétaires du capital et ont le droit d’en disposer à leur guise sans compte à rendre aux salariés. C’est même un droit essentiel dans ce système.

« Ce sont des licenciements boursiers » rajoutent les licenciés. Et alors ? De telles pratiques ne sont pas interdites, au contraire elles permettent de rentabiliser au maximum le capital,... ce qui est l’objectif fondamental de ce système.

Mais alors allez vous dire, ce sont les salariés qui font les frais de l’opération !

Quand les salariés ont-ils été à l’abri des aménagements du capitalisme ?

Il est justement dans leur situation de salariés d’être la variable d’ajustement du système... ils l’ont toujours été et le demeureront tant que ce système fonctionnera.

« Pourquoi l’Etat permet-il de telles pratiques ? ». L’Etat est le garant de ce système ; on le voit mal aller à l’encontre de ses principes fondateurs... même la Gauche quand elle est au pouvoir s’y est pliée. L’Etat temporise pour éviter les problèmes sociaux mais ne change strictement rien quant à la mécanique du système. Et quand l’Etat se déclare « scandalisé par cette situation », il s’agit bien évidemment de pure hypocrisie... la preuve en est qu’il ne change fondamentalement rien au mécanisme d’exclusion,... il l’aménage la plupart du temps avec les syndicats - pour éviter les turbulences sociales.

Bien sur le MEDEF essaye lui aussi de temporiser, de se justifier, de parler de l’entreprise capitaliste comme de la quintessence de l’économie et de la vie sociale, comme de l’entreprise créatrice des richesses, créatrice d’emplois, facteur de croissance et de protection de l’environnement,.....

Le MEDEF a bien sûr le droit de raconter n’importe quoi, ce qui n’implique pas que l’on soit obligé de le croire quoique la majorité marche dans cette fable !

Croire ou ne pas le croire y va de la responsabilité de chacun. Croire en ses élucubrations idéologico-sociales nuit gravement à la conscience politique... la preuve !

Ainsi donc en résumé, il n’y a pas fondamentalement contradiction entre licencier et faire du profit, c’est même finalement tout à fait dans la logique du système dans lequel nous vivons, et c’est même le contraire qui serait surprenant.

Conclusion : les salariés n’ont pas fini de se lamenter devant les portes de leur entreprise tant qu’ils accepteront cette logique.

Patrick MIGNARD

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