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dimanche 13 septembre 2009

FOIRE AUX ASSOCIATIONS :

Par Gabriel BIBA-NKOUKA

19 Août : « Journée internationale de l’action humanitaire »

Par principe, je manifeste une certaine défiance et une méfiance certaine pour nombre d’anniversaires et manifestations à caractère universel. Une journée quelconque, soit-elle nationale ou internationale pour conjurer le sort, me semble déjà un aveu d’impuissance voire un constat d’échec sur le sujet. L’action humanitaire serait-elle alors en échec ? La question mérite réflexion.

A la lumière de ce qui se passe au plus près de chez nous, dans notre ville et au vue de nos expériences individuelles et collectives notamment dans notre engagement associatif par exemple, on se doit de se poser la question, de susciter le débat et surtout d’exiger un bilan. Un bilan des 50 années d’action internationale et d’interventionnisme humanitaire des pays du Nord vers les pays du Sud. En effet, ces dernières décennies, le mouvement n’a cessé de s’accélérer, érigeant ainsi l’action en une stratégie généralisée dont on a parfois bien du mal à définir les contours, à en saisir les tenants et les aboutissants. Aucun doute : un état des lieux s’impose.

1981 : Année symbolique en France. La mairie de Montpellier organise la 1ère édition de la foire aux associations. L’espérance découlant de la vague rose n’y est pas étrangère. 150 associations officiellement répertoriées, tiennent le haut du pavé sur la place du Peyrou. La révolution associative montpelliéraine est en marche. On se remet alors à rêver de changement, voire de révolution dans la gestion de la cité. C’était compter sans les impondérables de l’histoire…..

2009 : 28 ans plus tard, la ferveur associative est plus que jamais présente avec son lot d’espérances et de désillusions. La seule municipalité de Montpellier recense actuellement plus de 2000 structures engagées dans l’action associative et classées selon différentes thématiques diverses et variées (Cf. l’annuaire des associations 2008). La rubrique « Internationale » compte, à elle seule, près de 200 associations inscrites au titre de l’année 2008.

200 associations, cela peut sembler beaucoup et peu à la fois. Il faudrait rajouter à ce chiffre toutes les autres associations montpelliéraines non inscrites, toutes celles des autres communes ainsi que toutes celles présentes et plus ou moins actives dans toute la France (l’émulation associative étant devenue un sport local, un enjeu national). En l’absence d’études approfondies sur la question, il est certes inopportun d’avancer un chiffre significatif, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que le phénomène et l’engouement sont d’ampleur.
A l’autre bout de la chaîne, l’invasion est totale, maximale. Le Burkina en 1ère ligne mais aussi le Mali, le Niger, le Sénégal…… aucun pays africain n’est épargné, aucune région n’échappe à la manne inconditionnelle de la sacro-sainte Solidarité Internationale. «  L’Afrique en mal de développement ?  » la réponse fuse comme un serpent distillant son venin mortel dans la chaire meurtrie de sa proie solidement emprisonnée entre ses fatals anneaux. «  Solidarité » bien sûr, « Aide au développent » sûrement…… Sauf que 50 ans plus tard, et en dépit de l’indispensable solidarité, le «  développement » n’est toujours pas au rendez-vous et nous sommes loin d’en prendre le chemin au vu et au su de ce qui se trame sur le continent.
On peut légitimement penser que la situation est si catastrophique que cela justifie à juste titre cet interventionnisme sans lequel l’Afrique sombrerait définitivement dans le chaos.
On peut aussi s’interroger sur le fait que l’interventionnisme extérieur, effréné et massif est peut être aussi un frein au « développement ». Surtout, l’aide n’est pas toujours adaptée. Comment alors aider de manière efficiente dans un environnement complètement sclérosé ?

Tout le monde en convient et les acteurs concernés le disent : «  la politique de l’aide au développement ne marche pas ». L’essentiel de ce qui y est «  investi » ne rapporte pas les résultats escomptés : le continent est un véritable «  tonneau des Danaïdes » et pour cause il n’y a pas de réceptacle et le cadre est poreux, inexistant. Une situation endémique qui permet tous les abus, du pillage des ressources (matérielles, humaines et financières) au clientélisme, à la corruption et à la dictature érigés en stratégies de gouvernement. Un système politique inspiré et soutenu par les démocraties occidentales (sans exception) et la finance internationale. C’est dire combien les perspectives d’avenir s’avèrent sombres et l’action de solidarité vaine, face à une machine implacable, véritable instrument d’oppression et de déshumanisation comme on sait si bien le faire en Françafrique.
Alors et encore une fois, « Solidarité internationale » Oui ! à condition qu’on y mette les formes et qu’on l’accompagne du cadre minimum nécessaire.

Un homme politique actuellement en vogue nous livre tout dernièrement sa pensée : «  l’Afrique, dit-il en l’occurrence, n’a pas besoin d’hommes forts mais plutôt d’institutions fortes ….  ». Une clairvoyance somme toute évidente, élémentaire. Il nous sera en effet bien difficile de parler de « développement » tant que persisteront en Afrique :
- L’absence d’un cadre juridique pour garantir les droits fondamentaux des individus.
- L’absence d’un cadre économique et financier pour amorcer réellement une action productive et éradiquer l’évasion financière.
- L’absence de politique éducative pour assurer la formation et éviter la fuite des cerveaux
- L’absence de politique culturelle, sociale pour le bien être des populations.
- L’absence de démocratie pour garantir un état de droit.

Bref, tant que persisteront nos dictatures et nos « démocratures », il n’y aura véritablement pas de place en Afrique pour une Solidarité Internationale efficiente.
La journée du 19 Août a encore des belles années devant elle.

Enfin, je ne saurai terminer mon propos sans rendre hommage à cet autre armée de bénévoles citoyens, inlassablement engagés, au travers de l’action associative, dans cet ultime combat qui semble perdu d’avance. Ici, l’humanité est à fleur de peau, l’instinct de solidarité palpable. La générosité n’est pas un vain mot, elle est profonde, sincère. Mais, les bons sentiments et les bonnes intentions ne suffisent pas. C’est que le mal est profond, très profond et solidement ancré. La solution , tant si peu qu’elle existe, doit être radicale, irréversible. Elle passe sans aucun doute par un engagement citoyen mais aussi et surtout par une action politique. Le mal développement africain est un problème global qui dépasse largement le cadre restreint de chacune de nos associations respectives. La réponse doit être avant tout politique car le problème est essentiellement politique . C’est le passage obligé pour l’avenir de nos enfants et celui des générations futures.

Montpellier, Août 2009

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