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jeudi 29 juillet 2010

Par Sophie Guesné RFI

Quelques jours après les violences dans le Loir-et-Cher, se tient ce mercredi 28 juillet 2010, à l’Elysée la réunion sur, selon Nicolas Sarkozy, les « problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms ». Gens du voyage, Roms : deux termes bien différents, le premier administratif, le second ethnique.

Quand on parle de gens du voyage, on parle avant tout de Français, de personnes qui ont la nationalité française, parlent le français, qui sont nées et ont grandi en France. A ne pas confondre donc avec les « Roms migrants », qui arrivent de Roumanie, de Bulgarie ou de l’ancienne Yougoslavie…

Des Français comme l’explique Fernand, dit Milot en tsigane :

« Qui dit gens du voyage dit citoyens français, qui vivent en France depuis des siècles et des siècles. Et nous, on est des petits enfants des Bohémiens, qui vivaient autrefois dans des caravanes à chevaux pour sillonner la France. Maintenant, nous, on la sillonne avec des caravanes plus modernes. Nous sommes commerçants, alors on va de ville en ville pour gagner notre vie, pour élever nos enfants, pour pouvoir vivre tout simplement ».

Parmi les gens du voyage il y a en fait deux types de nomades
- des nomades d’origine européenne, comme les Yéniches
- des nomades d’origine indienne, largement majoritaires. Il s’agit ici des Tsiganes. Tsiganes qu’on appelle Manouches, Bohémiens ou Gitans en fonction des routes migratoires qu’ils ont suivies au fil des siècles.

Ils sont 400 000 en France et ne voyagent presque plus

Selon les associations, ils seraient encore un tiers, donc un sur trois, à vivre comme Milot, de façon itinérante. Les deux tiers restants se sont sédentarisés ou semi-sédentarisés. Bref, ils se sont arrêtés dans une commune et ne voyagent plus que quelques mois par an, au moment des vendanges notamment. Parmi eux, certains ont même quitté leurs caravanes pour des maisons, mais ils restent très minoritaires.

Les aires d’accueil

Depuis les lois Besson 1990 et 2000, du nom d’un député de Savoie Louis Besson, les communes de plus de 5 000 habitants sont dans l’obligation de créer des aires d’accueil pour les gens du voyage. Cette obligation est respectée à 42 %. Certaines associations s’en félicitent, c’est un progrès. Mais ça ne suffit pas, répètent-elles. Beaucoup de communes refusent de voir s’établir sur leur territoire des gens du voyage... avec pour conséquence une pénurie d’aires d’accueil. Malik Salemkour, vice-président de la Ligue des droits de l’homme :

« Il y a des gens qui sont obligés de stationner dans des endroits où ils n’en ont pas le droit, mais c’est parce qu’il n’y a pas de places autorisées ailleurs…Et donc 10 ans après (la loi), des gamins ont grandi et finalement, ils n’ont connu que la pénurie, les contrôles policiers et les expulsions de plus en plus violentes, presque militaires. Parce qu’avant vous étiez avec votre caravane et celles de votre famille (donc quatre ou cinq caravanes), donc expulsé assez facilement. Alors maintenant vous venez à trente, à quarante… parce que vous savez qu’il faudra plus de forces de l’ordre pour essayer de vous évacuer. Donc, on a créé par la pénurie de la tension parce qu’on n’a pas répondu aux besoins ».

Des sanctions pour les villes ne respectant pas ces obligations ?

Pas vraiment de sanctions, ni d’amendes. Mais des incitations financières pour les villes qui les respectent. Le sénateur UMP Pierre Hérisson estime ces mesures insuffisantes.

« Il y a une sanction qui dit que le préfet exécute d’office la réalisation de l’aire d’accueil et inscrit d’office la dépense au budget de la commune. Mais le préfet ne dispose pas du foncier ni du pouvoir d’imposer le lieu de la construction. Cette partie de la loi ne fonctionne donc absolument pas ».

Il s’agit de citoyens français et pourtant, ils ont un statut d’exception. Au quotidien, ils ne sont en effet pas soumis aux mêmes règles qu’un citoyen français lambda, et ce dans plusieurs domaines comme l’explique Milot.

« Il faut savoir que nous, gens du voyage, nous vivons avec un carnet de circulation. Ce carnet, on est obligé de l’avoir, et on doit également, tous les trois mois, aller à la police ou à la gendarmerie pour le faire signer. Il faut attendre trois ans pour avoir un droit de vote. Il y a des quotas dans les communes où on est rattachés, c’est-à-dire qu’il ne peut pas y avoir plus de 3% de gens du voyage… Et tout ça, ça crée du racisme et de la discrimination ».

Du côté de la ligue des droits de l’homme, on parle même de « droit policier ». Malik Salemkour prend l’exemple du droit de vote.

« Pour s’inscrire sur les listes électorales, vous et moi, il nous faut six mois de résidence dans une commune. Même chose pour les SDF. Un sans domicile fixe domicilié dans un centre d’action social peut voter au bout de six mois. Mais pour les gens du voyage, détenteurs d’un carnet et d’un livret de circulation, il leur faut trois ans de rattachement continu à une commune… ce qui est évidemment un frein à la citoyenneté ».

La France se fait régulièrement épingler sur ce type de discriminations que subissent les gens du voyage. Dernier exemple en date : le 17 juin dernier : un rapport du Conseil de l’Europe relève une nouvelle fois ces discriminations et note même parfois une aggravation de la situation.

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