Pa l'arbre
Accueil du site > Économie > Quand l’ultralibéralisme mène la danse

lundi 7 mars 2005

A Bruxelles, 350 convives triés sur le volet ont participé au « Bal capitaliste ».

Bruxelles (UE) correspondance Liberation 06:00 - « Ladies and gentlemen, we are here to celebrate free markets, human liberty and freedom », lance le maître de cérémonies. Ce qui donne, en VF : « Mesdames et messieurs, nous sommes ici pour célébrer le marché, l’individu et la liberté. » Applaudissements. Le « Bal capitaliste » peut commencer. Autour des trente-six tables baptisées chacune du nom d’une figure emblématique comme Milton Friedman, John Locke, Karl Popper, Benjamin Constant, Frédéric Bastiat ou Ronald Reagan, les invités, coupe de champagne à la main, trinquent, tandis que les serveurs s’affairent.

Un bal du capitalisme, l’idée paraît saugrenue, c’est pourtant le plus sérieusement du monde que l’événement s’est déroulé à Bruxelles, le 18 février. « Le côté provocateur, on l’assume complètement, assure Cécile Philippe, l’une des organisatrices de la soirée ; mais à part l’intitulé, l’idée est très simple, c’est de se retrouver entre activistes de la cause libérale et d’échanger. » Le créateur du bal, Tim Evans, président du Centre for the New Europe (CNE), un think tank ouvertement libéral basé à Bruxelles, a vu les choses en grand : 350 invités ont été conviés, notamment des chefs d’entreprise, des universitaires, des assistants parlementaires, une poignée de députés et quelques journalistes. Smoking et tenue de soirée exigés, la réception s’est déroulée dans les salles du Concert Noble, situé en plein coeur de Bruxelles, à proximité du palais royal et des institutions européennes. Le lieu, unique en son genre, accueille depuis plus d’un siècle les soirées de la noblesse et de la bourgeoisie belges dans ses sept salles qui montent graduellement de la galerie pour atteindre l’impressionnante salle de bal, ornée de rideaux de velours et d’imposants lustres en cristal. Le budget : autour de 40 000 euros, provenant de dons privés.

Diffuser. Depuis trois ans, « le mouvement », comme disent ses membres, connaît une véritable envolée. Le Stockholm Network recense 150 think tanks acquis à la cause libérale, à l’échelle européenne. « On voit arriver une nouvelle vague de jeunes entre 25 et 35 ans qui sont très sensibles à nos arguments », se félicite Cécile Philippe, qui vient de lancer son propre think tank : l’institut économique Molinari, un petit français dans un milieu largement dominé par les Anglo-Saxons. L’objectif de ces laboratoires d’idées est de diffuser les idées libérales à travers des ouvrages et des articles mis en ligne, et parfois publiés dans certains journaux tels que The Wall Street Journal Europe, The Sunday Times ou encore The Daily Telegraph. Au sein du « mouvement », le Centre for the New Europe occupe une place de leader. Fondé en 1993 par un journaliste et un avocat, il vit de dons, notamment de grandes entreprises pharmaceutiques, et refuse tout financement public ou provenant de partis politiques.

Le CNE organise régulièrement des conférences, en particulier avec un cercle d’assistants parlementaires d’eurodéputés, ainsi que des dîners avec quelques journalistes triés sur le volet autour d’un invité. Ses thèmes de réflexion privilégiés sont le changement climatique, la réforme des soins de santé ou la politique de la concurrence. Autant de sujets sur lesquels il juge l’Europe bureaucratique, réglementariste et sclérosée. Pour ces activistes de la cause libérale, l’élargissement européen aux pays de l’Est est une occasion à saisir. « Le changement viendra de là-bas, assure Cécile Philippe, ils sont avides de liberté. » Un écho au message de Tim Evans envoyé à ses hôtes lors du bal : « Aujourd’hui, nous n’avons pas encore gagné la bataille politique, mais lentement le courant intellectuel tourne dans notre direction. Dans la presse, sur l’Internet et chez les jeunes, le message de la liberté se diffuse. [...] Un jour, nous gagnerons. » Avant de conclure : « Mais maintenant, amusez-vous et célébrez la liberté », en invitant l’assistance à se diriger vers la salle de bal. Au préalable, Tim Evans avait remis le trophée Adam Smith aux quatre « héros de la liberté » 2005. Parmi eux : un universitaire, le Pr Jesus Huerta de Soto, récompensé pour ses travaux d’économiste, et un lord anglais, Harris of Highcross, honoré d’un prix d’honneur pour l’ensemble de sa vie.

Pavé. A 2 heures du matin, les portes du Concert Noble se sont refermées, chacun repartant avec une demi-bouteille de champagne « cuvée capitaliste », ainsi que l’index 2005 de l’économie libre (Economic Freedom). Un pavé de plus de 400 pages qui classe 161 pays en fonction de leur degré de libéralisme et où la France occupe le 44e rang, derrière la République tchèque, la Pologne ou encore le Botswana.

Par Julie MAJERCZAK

 RSS 2.0Suivre la vie du site