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vendredi 18 mars 2005

Arguant de la flambée des prix du brut, le Sénat américain donne son feu vert au forage dans l’un des derniers espaces totalement sauvages de la planète.

Par Pascal RICHE

Washington de notre correspondant Liberation - 06:00 - George W. Bush n’est pas encore arrivé à ses fins, mais il s’en approche. Mercredi, le Sénat américain a donné un premier feu vert à son projet de forage pétrolier dans le grand parc naturel du nord de l’Alaska. Sous le premier mandat Bush, les sénateurs avaient bloqué le projet (52 voix contre 48), par souci de protéger l’environnement. La progression des élus républicains, lors de l’élection de novembre, a permis à Bush de reprendre le dessus. Mercredi, 51 sénateurs contre 49 ont approuvé le projet d’exploration.

La hausse des prix du pétrole est tombée à pic pour renforcer l’argumentation du gouvernement. Au Sénat, les défenseurs du projet d’exploration n’ont pas manqué d’en faire état : « Les prix du pétrole ont atteint 56 dollars le baril, rien que ce matin », a ainsi déclaré Lisa Murkowski, sénatrice républicaine de l’Alaska.

Discrètement. Selon George Bush, qui a commencé sa carrière dans le pétrole au Texas, l’exploitation des ressources de l’Arctic National Wildlife Refuge (ANWR) permettra de desserrer la dépendance des Etats-Unis au brut moyen-oriental. A terme, selon les projections de son administration, ce parc pourrait fournir un million de barils par jour, soit l’équivalent de 4 % des importations américaines. Pour passer plus discrètement, le feu vert demandé au Sénat avait été glissé dans le projet de budget. Une disposition prévoit des recettes de 5 milliards de dollars sur dix ans, tirées des permis accordés pour le forage dans l’ANWR.

Selon les règles du Sénat, si le budget est adopté, il suffira d’un simple vote, sans débat, pour commencer à forer. Les démocrates, rangés derrière John Kerry, sénateur du Massachusetts et candidat malheureux à la dernière élection présidentielle, ont dénoncé une « attaque par traîtrise ». C’est leur amendement, qui se proposait d’éliminer ce « cavalier budgétaire », qui a été rejeté par 51 voix. « Nous avons assisté à une attaque frontale contre l’une de nos merveilles naturelles les plus précieuses », s’indignait hier Kerry sur son site Web. Le sénateur, très actif depuis sa défaite, a décidé de ne pas lâcher prise : « Si nous restons unis,nous pouvons encore arrêter le plan de forage dans l’Arctique avant qu’il aboutisse à un vote final au Congrès. » Les débats sur le budget doivent encore durer plusieurs mois, et bien des marchandages sont encore possibles.

Les organisations écologiques américaines sont scandalisées. La réserve naturelle, située au nord du cercle polaire, est un des rares espaces totalement sauvage sur la planète. Seule présence humaine : les 200 habitants du village eskimo de Kaktovik. George W. Bush s’est, lui, félicité du vote, promettant une exploitation « responsable » n’affectant qu’une « petite partie » du parc. Dans une récente tribune dans le New York Times, la secrétaire à l’Intérieur, Gale Norton, a expliqué comment la technologie moderne permettait de forer sans presque rien abîmer. Le forage a lieu en hiver, sur la neige et pendant que les animaux hibernent. Le pétrole est repéré par satellite, de grosses machines mobiles, montées sur de larges roues, forent. Des ouvriers construisent des routes et des plates-formes de glace pour protéger le sol et la végétation. Quand le printemps arrive, la neige fond, et il ne reste « aucune trace ».

« Pas vrai. » Selon l’administration, seuls 2 000 hectares (« la taille d’un aéroport ») seront touchés, à comparer au 1,5 million d’hectares du parc (« la taille de la Caroline du Sud »). Ce tableau idyllique est contesté par les grandes organisations écologiques américaines. « Dire que seuls 2000 hectares seront affectés, c’est à peu près aussi juste que de dire qu’une chaise n’occupe dans une pièce que la surface au sol de ses quatre pieds, commente, depuis Anchorage, Betsy Goll, l’une des responsables du Sierra Club en Alaska. En réalité, l’exploration implique de gros équipements, des routes, des pipelines. Affirmer qu’on peut remballer ses affaires et partir sans laisser une empreinte de pas, ce n’est tout simplement pas vrai. » Selon le Sierra Club, il y aurait un moyen beaucoup plus simple de desserrer la contrainte pétrolière : exiger que les constructeurs automobiles plafonnent la consommation d’essence des voitures à 6 litres aux 100 km. Les Etats-Unis économiseraient alors l’équivalent de tout le pétrole importé du Golfe.

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