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jeudi 31 mars 2005

L’Humanité - Le faucon de Washington est nommé à la présidence de l’institution, en échange d’une accession du Français Pascal Lamy à la tête de l’OMC.

À la veille du conseil d’administration de la Banque mondiale qui devrait entériner sa nomination à la présidence de l’institution, Paul Wolfowitz a conclu, semble-t-il avec succès, d’ultimes négociations hier à Bruxelles avec plusieurs ministres européens des Finances et du Développement sur son mandat et la représentation de l’UE dans l’équipe qu’il doit diriger. Sauf coup de théâtre de dernière minute, l’Europe confirme ainsi qu’elle est prête à se soumettre aux injonctions de Washington qui, depuis quelques semaines, avait fait part de son désir impérieux de voir Wolfowitz, théoricien des néoconservateurs et faucon parmi les faucons de l’équipe Bush, à la tête de la BM. Actuellement encore tituliaire du poste de secrétaire adjoint à la Défense, le futur probable président de l’institution chargé de financer le développement de la planète fut l’un des principaux artisans de l’intervention militaire en Irak. Son choix « est une gifle à la communauté internationale », avait indiqué aux États-Unis mêmes de nombreuses voix critiques, dont le New York Times dans son édition du 17 mars. Il semble que les Européens non seulement acceptent d’essuyer cette claque mais qu’ils tendent l’autre joue.

Le premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, président en exercice du Conseil européen, s’est contenté de souligner que les Européens souhaitaient s’assurer que les objectifs du Millénaire pour le développement des Nations unies, qui réclament notamment de réduire de moitié la pauvreté d’ici 2015 (mais dont le bilan à mi-parcours est au demeurant désastreux), « soient le socle sur lequel le futur président de la Banque mondiale organisera son travail ». Et d’enchaîner aussitôt sur l’illusoire marchandage qui fait l’objet essentiel des discussions : « Nous devons nous assurer, a déclaré le premier ministre luxemburgeois, que les Européens seront mieux représentés au conseil de direction de la Banque. » Paris laissait entendre qu’il souhaiterait flanquer Wolfowitz d’un vice-président français.

Ce petit arrangement entre amis en cache en fait un autre d’une dimension plus consistante. Hier en effet, à l’heure où il paraissait acquis que les Européens (soit 30 % des droits de vote au conseil d’administration de la BM) ne s’opposeraient pas à la nomination de Wolfowitz, il était impossible de ne pas relever les efforts parallèles de l’UE pour obtenir le soutien de Washington à la nomination de Pascal Lamy à la direction générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

L’Europe telle qu’elle se construit s’est tellement laissée imprégner des critères anglosaxons - fussent-ils habillés de social-libéralisme par l’ex commissaire français au commerce - qu’elle apparaît ainsi incapable de contester les choix états-uniens. Elle s’aligne sur la volonté du grand frère atlantique dans le seul espoir de faire une place à ses grands groupes sur le marché capitaliste mondialisé. Au détriment des salariés de ses 25 États membres et de l’idée même d’alternative européenne qui reste pourtant un des enjeux majeurs du moment.

Bruno Odent

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